Entretiens professionnels, de l’obligation légale à l’opportunité de développement du capital humain.

L’entretien professionnel est une obligation légale. Mais c’est aussi pour les collaborateurs un facteur d’épanouissement par reconnaissance de leurs compétences. Ainsi, c’est l’opportunité pour l’entreprise de développer son capital humain et conséquemment ses résultats.

Cette page revient sur l’origine légale de l’entretien professionnel et présente ensuite la manière d’en faire une opportunité de développement du capital humain de l’entreprise.

Origine législative

L’Accord National Interprofessionnel du 5 mars 2014 réforme de manière importante la formation professionnelle. Cet accord a pour principale motivation de :

  • Développer l’envie de se former des salariés et fournir aux entreprises un outil au service de leur performance.
  • Chaque salarié devient acteur de l’évolution de ses compétences, en partenariat avec son employeur.
  • Les deux parties en tirent un bénéfice : trouver la formation qualifiante pour le salarié qui soit la plus à même de bénéficier également à l’entreprise.

La loi portant réforme de la formation professionnelle s’est accompagnée de la mise en œuvre de nombreuses mesures :

  • Mise en place du CPF qui s’est substitué au DIF et qui suivra désormais chaque individu pendant toute sa vie professionnelle:
    • Régime d’acquisition annuelle d’heures de formation : 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un capital de 120 heures ;
    • 12 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’atteinte du plafond des 150 heures.
  • La gestion du CPF relève de la responsabilité du salarié.
  • Une obligation de formation et d’adaptation renforcée : le CPF se concentre sur les formations qualifiantes ou certifiantes.
  • Les entretiens professionnels.

Obligation généralisée

Toutes les entreprises sans condition de taille ou d’effectif et tous les salariés sont concernés.

Périodicité

L’entretien professionnel doit avoir lieu tous les 2 ans, et lors d’un retour pour absence ou suite à un mandat.

Quand organiser cet entretien ?

  • Tous les 2 ans ;
  • À l’issue des évènements suivants :
    • Congé maternité ou d’adoption ;
    • Congé parental (total ou temps partiel) ;
    • Congé sabbatique ;
    • Congés de soutien familial ;
    • Mobilité volontaire sécurisée ;
    • Longue maladie (plus de 6 mois) ;
    • Mandat syndical.

Un bilan professionnel doit être organisé tous les 6 ans.

Les caractéristiques de l’entretien professionnel :

  • Lors de son embauche, le salarié doit être informé qu’il bénéficiera tous les 2 ans d’un entretien professionnel avec son employeur.
  • Cet entretien remplace le bilan d’étape professionnel que le salarié pouvait demander après 2 ans d’ancienneté.
  • Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.
  • Cet entretien doit systématiquement être formalisé dans un document écrit dont l’employeur remet une copie au salarié.

Son contenu

Le contenu de cet entretien n’a pas été précisément fixé. Toutefois, doivent y être abordés, a minima :

  • Le parcours professionnel du salarié ;
  • Les compétences acquises par le salarié ;
  • Les perspectives d’évolution professionnelle compétences clés pour y parvenir ;
  • Les besoins en formation ;
  • Les initiatives du salarié pour l’utilisation de son CPF (solde du DIF).
ATTENTION : cet entretien ne doit en aucun cas se confondre avec l’entretien annuel d’évaluation.

Le bilan professionnel

L’employeur devra organiser un entretien / bilan professionnel tous les 6 ans de présence continue du salarié dans l’entreprise.

Il s’agit d’un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.

Lors de cet entretien, l’employeur doit s’assurer que le salarié a bénéficié, au cours des 6 dernières années, d’un entretien professionnel tous les 2 ans et, si nécessaire, des entretiens prévus au retour de certaines absences.

L’employeur doit également apprécier si le salarié a :

  • Suivi au moins une action de formation ;
  • Acquis des éléments de certification ; et
  • Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Cet entretien doit également être formalisé dans un document écrit dont l’employeur remet une copie au salarié.

Cet entretien doit être mené conformément à une grille définie par accord d'entreprise ou, à défaut, par accord de branche, ou recensant au moins les éléments suivants :

  • Les entretiens réalisés au cours des 6 années passées ;
  • Les actions de formation suivies par le salarié ;
  • Les évolutions salariales collectives ou individuelles ou les évolutions professionnelles intervenues ;
  • Les validations des acquis de l'expérience ou les certifications, même partielles, obtenues par le salarié.

Sanctions

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’au cours de ces 6 années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins 2 des trois mesures mentionnées ci-dessus (action de formation, acquis des éléments de certification, progression salariale ou professionnelle), l’employeur doit :

  • Abonder son CPF de 100 heures pour un salarié à temps plein et de 130 heures pour un salarié à temps partiel ; et
  • Verser à l’OPCA une somme forfaitaire correspondant à ces heures (décret à venir). La somme forfaitaire due en cas d’abondement correctif correspond au nombre d’heures (100 ou 130) multiplié par 30 € (au 1 er septembre 2015). Soit 3.000,00 € pour un salarié à temps plein et 3.900,00 € pour un salarié à temps partiel.

Aucune sanction n’est prévue pour les entreprises de moins de 50 salariés. Néanmoins, les tribunaux sanctionneront certainement tout employeur qui n'a pas respecté cette obligation en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, voire pour un salarié qui rencontrerait des difficultés de réinsertion suite à son licenciement pour raison économique.

En effet, l'employeur a toujours l'obligation "d'adapter les salariés à leur poste de travail" (art. L6321-1 C. travail)

Consultation

S’il existe un comité d’entreprise, il doit être consulté sur la mise en place des entretiens professionnels au titre de ses attributions générales. [C. trav., art. L.2323-6]. L’employeur doit également indiquer aux élus le nombre de salariés bénéficiaires d’un entretien professionnel ainsi que le nombre, éventuel, de salariés bénéficiaires d'un abondement et le montant des sommes versées à ce titre (décret n° 2014-1045, du 12 septembre 2014).

Comment en faire une opportunité ?

L’entretien professionnel est certes une obligation légale, mais c’est également une opportunité. En effet, parmi les facteurs de performance d’un collaborateur, la compétence joue un rôle primordial.

Lorsqu’on interroge des salariés, la compétence est l’expression d’une capacité à faire quelque chose et l’envie de le faire. Ainsi, une compétence qui n’est pas utilisée démotive.

La compétence a également une valeur. Lorsque le salarié doute de la valeur, ou perçoit une obsolescence de ses compétences, il perd également en motivation. Ce phénomène est d’autant plus important lorsqu’elle entraîne une diminution de l’employabilité interne et, a fortiori, externe.

A contrario, lorsqu’un salarié a l’opportunité de développer ses compétences et que ces compétences le valorisent – dans tous les sens du terme - il y a là un facteur important de motivation et d’épanouissement.

Pour l’entreprise, ce sont évidement des facteurs d’accroissement de la performance, mais aussi de qualité du climat social, de réduction de l’absentéisme, du turn over subi... en d’autres termes de développement du capital humain de l’entreprise.

Il s’agit bien là des fondements de l’entretien professionnel : identifier, reconnaître, développer les compétences des collaborateurs. Ainsi l’entreprise peut mieux les utiliser et cet entretien apporte une visibilité d’évolution interne voire externe.

Préparation préalable

Il est important de présenter aux collaborateurs les raisons de l’entretien professionnel. Bien évidement, ne pas se limiter au respect de l’obligation légale mais ne pas hésiter à en rappeler l’origine et les motivations.

Dans tous les cas la préparation, et l’entretien proprement dit, doivent être réalisés durant le temps travail.

Les collaborateurs sont invités à préparer leur entretien en renseignant le modèle retenu par l’entreprise. Un délai de deux semaines entre l’invitation à l’entretien et sa réalisation est conseillé.

Réalisation de l’entretien

Nous préconisons la réalisation des entretiens par le management direct des collaborateurs concernés. Il s’agit pour eux de connaître l’ensemble des compétences et aspirations de leurs collaborateurs. Ils pourront ainsi mieux les manager en leur confiant des responsabilités ou des missions ponctuelles, autres que celles de l’activité principale ; responsabilités évidemment en lien avec lesdites compétences et aspirations. Ce sera également l’occasion pour eux de valoriser leur image de manager.

Le choix du lieu de l’entretien a son importance. Choisir un bureau ou une salle neutre, dans lequel le lien hiérarchique est estompé. Veillez à couper les téléphones et à ne pas être dérangé de manière intempestive.

Le simple fait d’écouter activement une personne, d’apporter une oreille attentive à ses propos est déjà un gage de réussite de l’entretien. La posture a également son importance. Rappelons qu’il ne s’agit en aucun cas d’une évaluation, ainsi il est conseillé d’adopter une attitude de neutralité bienveillante.

Le manager – animateur de l’entretien – invitera le collaborateur à commenter son parcours, ses compétences, ses souhaits éventuels d’évolution... Tout en valorisant ce dernier, ce sera aussi l’occasion pour le manager de s’imprégner du profil de ses collaborateurs et d’identifier leurs motivations profondes.

A l’issue de cette présentation, il appartient au manager de commenter les différents points de l’entretien. L’erreur serait de s’engager à la légère sur des souhaits d’évolution sans être certain de pouvoir les concrétiser. Dans le doute, restez prudent. Il est toujours néfaste de décevoir l’espoir.

Par ailleurs, les souhaits d’évolution du collaborateur peuvent être totalement irréalisables dans l’entreprise. Dans ce cas, la prudence s’impose encore plus. Le manager n’est pas un expert de l’orientation professionnelle. Il est néanmoins de son rôle d’être clair en précisant qu’ils nécessiteraient une évolution externe à l’entreprise.

Refus du salarié

En cas de refus de participer à l’entretien de la part du salarié, pour parer à tout éventuel contentieux, il est fortement conseillé de faire signer un document attestant du refus.

Exploitation de l’information

Sur plan juridique, comme nous l’avons vu précédemment, il est capital de séparer l’entretien professionnel des autres entretiens, autant leur réalisation que leur formalisation. Néanmoins, toute l’information collectée au cours des différents entretiens doit interagir. En effet, comment apporter un avis sur un souhait d’évolution sans le mettre en perspective de l’évaluation des résultats, de l’analyse des compétences, du potentiel d’évolution. Comment juger d’un souhait d’évolution à un poste de mangement, sans avoir réalisé une analyse des compétences comportementales, par un 360° par exemple. Ainsi nous préconisons l’enregistrement de l’ensemble des informations collectées en un même ‘’lieu’’. Pour ce faire, une solution digitale possédant toutes ces fonctionnalités s’impose.

En outre, de manière collective, toutes ces informations (parcours, compétences, formations, satisfaction, profil de personnalité...) peuvent être corrélées avec des données de performance des collaborateurs. Ainsi, l’entreprise progresse continuellement sur la qualité de ses recrutements, de ses mobilités, de sa gestion des carrières. Bien évidemment, il lui faudra pour cela utiliser une solution intelligente de développement du capital humain.